L’appel déchirant de ma fille : du silence post-partum au drame
Ma fille venait tout juste de donner naissance lorsqu'elle s'est retrouvée prisonnière d'un isolement angoissant. Jour après jour, ses appels désespérés résonnaient à mon téléphone, sa voix brisée par l'épuisement et la peur. J'ai finalement cédé à mon instinct maternel, sans imaginer l'horreur qui m'attendait.
Ces appels téléphoniques me poursuivaient sans répit. Pourtant, mon mari tentait de me raisonner : « C’est compréhensible, elle vient de devenir mère. Elle doit trouver ses marques. » Je demeurais alors immobile, l’appareil collé à l’oreille, envahie par une anxiété tenace.
Mais cette nuit-là, quelque chose a cédé en moi. J’ai secoué mon mari aux premières lueurs du jour en annonçant avec détermination : « Je pars la chercher. Immédiatement. »
Une vision cauchemardesque dans la propriété familiale
Après avoir parcouru une trentaine de kilomètres, nous nous stationnons devant la maison familiale. Dès que mon regard embrasse la cour, mes genoux fléchissent.
Deux cercueils.
L’un de taille adulte, orné de bouquets. L’autre, démesurément petit.
Ma fille. Et mon bébé de petite-fille.
Mon souffle se bloque, mes pleurs semblent s’être évaporés. Elles reposent là, immobiles, éternellement captives de cette scène surréelle.
Une mort qui aurait pu être évitée
Les riverains, leurs chuchotements… progressivement, la réalité émerge. Élise avait imploré qu’on la conduise à l’hôpital. Elle perdait du sang abondamment. Mais les coutumes l’avaient emprisonnée : « Le Sutak prohibe toute excursion hors du foyer durant les onze jours suivant l’accouchement », avait affirmé sa belle-famille.
On lui avait administré des plantes thérapeutiques plutôt que de consulter un médecin. Lorsque son état s’est détérioré, l’issue était déjà scellée.
Elle a rendu son dernier souffle dans l’obscurité nocturne. Son nourrisson l’a suivie.
La révolte comme force motrice
Quand j’ai mesuré l’étendue de cette incurie, j’ai tout interrompu. J’ai suspendu la célébration immédiate des obsèques. J’ai contacté les services d’urgence, l’assistance aux femmes en difficulté, et réclamé l’ouverture d’une investigation.
Les forces de l’ordre sont intervenues. Les cérémonies traditionnelles ont été reportées. Les dépouilles ont été transférées à l’institut médico-légal pour examen post-mortem.
Ma voix vacillait, mais je maintenais ma position. Pour Élise. Pour son enfant.
Les investigations et la quête de justice
Le rapport initial évoquait une hémorragie de la délivrance. Une complication obstétricale pourtant maîtrisable avec une prise en charge adaptée. Mais dans ce cas, elle avait été négligée, étouffée par l’interprétation rigide d’une tradition ancestrale.
La praticienne accoucheuse a été auditionnée. L’époux, la belle-mère, confrontés à leurs responsabilités. Les autorités ont initié des poursuites officielles pour manquement ayant conduit au décès.
Quant à moi, je me tenais digne, dossier médical en main, résolue à faire triompher la vérité.
De la souffrance à l’engagement
Lorsque les cercueils ont été rapatriés dans notre demeure, le voisinage s’est rassemblé discrètement, effleurant les contours comme pour présenter ses regrets. J’ai disposé le portrait de Élise dans notre pièce de vie, une bougie vigilante à ses pieds. Et j’ai fait le serment que son récit ne sombrerait pas dans l’indifférence.
Dès le jour suivant, j’ai initié une action communautaire avec le collectif féminin local : affichage de supports informatifs, diffusion de contacts d’urgence, sensibilisation porte-à-porte pour marteler une vérité élémentaire : une jeune mère en situation de vulnérabilité mérite une écoute active.
Car aucune pratique culturelle ne devrait jamais précipiter la disparition d’une mère et de son nouveau-né.

